<150>Était-ce donc à moi de fermer ta paupière?
Que ne promettait pas ton illustre carrière,
Si le dieu des combats, de tes exploits jaloux,
N'eût trompé notre espoir en t'arrachant à nous!
Tous ces vaillants guerriers au trépas se dévouent,
Les Anglais sont surpris, et les Hongrois les louent;
Dans ce fameux combat si longtemps disputé,
L'amour de la patrie et l'intrépidité
Les firent triompher, à force de constance,
Des vieilles légions fières de leur vaillance
Qu'Eugène avait su rendre invincibles sous lui,
Et l'Autriche contre eux en vain cherche un appui.
Que dirai-je de vous, héros couverts de gloire,
A qui la Prusse doit sa seconde victoire?
Rien ne vous ébranla; ces perfides Saxons,
Méditant en secret d'infâmes trahisons,
Rompaient les nœuds sacrés d'une triple alliance;
Ils quittaient la Bavière, et la Prusse, et la France;
Jaloux de nos succès, qu'ils ne pouvaient ternir,
Ils fuyaient, et par crainte, et pour nous affaiblir;
Le Lorrain s'avançait vers l'Elbe épouvantée;
Mais par votre valeur son onde ensanglantée
Apprit à l'Océan vos immortels exploits.a
Hélas! cher Rottembourg,b est-ce vous que je vois
Victime de la mort? Dieu! quel sanglant spectacle!
Aux dieux mon amitié demandait un miracle.
Et Mars vous rappela des portes du trépas;
L'Autrichien sentit le poids de votre bras,


a Voyez t. II, p. 127-139.

b Voyez t. II, p. 137, t. III, p. 44. et ci-dessus, p. 91.