<106>S'imprimant dans l'esprit avec facilité,
Nourrit de fictions notre crédulité.
Il est comme un miroir dont la glace infidèle,
Loin de peindre à nos yeux une image réelle,
Des rayons qu'il reçoit confondant les clartés,
Défigure les traits qui lui sont présentés.
L'homme ne connaît pas jusqu'où va sa faiblesse;
Au sein de la folie il vante sa sagesse,
Enivré d'amour-propre, il chérit ses talents,
Et de sa propre main se parfume d'encens.
Ce n'est point sans raison que mon chagrin l'accuse,
Du matin jusqu'au soir voyez comme il s'abuse :
Qu'un adepte paraisse et promette son or,
Cent dupes du grand œuvre en attendront leur sort;
Leur erreur ne voit pas, du gain trop animée,
Que leur bien, au creuset, se dissipe en fumée.
Qu'un astrologue vienne, et, lisant dans les cieux,
Annonce par son art un avenir fâcheux,
Le peuple, plein d'effroi, rêveur et taciturne,
Tremble pour les malheurs que lui prédit Saturne,
Et croit, pour avertir des grands événements,
Que Dieu daigne troubler l'ordre des éléments.
Quoi! ces astres muets sont-ils donc des prophètes?
Quoi! tout est-il perdu quand on voit des comètes?
J'en sais dont les cerveaux sont vivement frappés
D'esprits et de vampirs autour d'eux attroupés;
Les ombres dans la nuit leur semblent des fantômes,
Sans cesse en frénésie, ils en ont les symptômes,
Et toujours alarmés de spectres effrayants,
Ils accusent les morts des crimes des vivants.
Les superstitieux, encor plus ridicules,