<105>Et quel est ce pouvoir dont l'effet peut produire
Qu'un corps, pesant sur l'autre, également l'attire?
Le grand Newton l'ignore, et son art n'en dit rien.
Qui poussera plus loin son calcul que le sien?
Dans une région de ténèbres couverte,
Qui de ces grands secrets fera la découverte,
Si cet esprit puissant, fait pour y réussir,
Malgré tous ses efforts n'a pu les éclaircir?
Lorsqu'un enfant d'Euclide avec exactitude
Veut marquer sur un plan les lieux, leur latitude,
Niveler des vallons ou mesurer des champs,
Il éprouve d'abord ses divers instruments;
Son opération dépend de leur justesse.
Cet usage, en effet, est rempli de sagesse.
Si l'on veut raisonner, n'est-il pas de saison
De connaître avant tout quelle est notre raison?
Mais l'homme qui s'ignore au hasard s'abandonne,
Il rejette, il approuve, il décide, il ordonne;
Resserré dans lui-même, un désir curieux
Égare sa pensée et la perd dans les cieux.
Sait-il si la raison est frivole ou solide,
Si son esprit ardent peut se tenir en bride,
Ou si, malgré ce frein, par des écarts fréquents,
L'imagination emporte le bon sens?
Mais l'orgueil dans son cœur respecte sa folie,
Il craint un examen qui toujours l'humilie.
On dirait en effet que notre esprit trompeur,
Froid pour la vérité, s'échauffe pour l'erreur;
Dans cent absurdités sa faiblesse nous plonge,
Du brillant merveilleux le séduisant mensonge,