<127>Frédéric Ier menaçait de retirer ses troupes de la Flandre, si on ne lui rendait justice; cette menace persuada aux Hollandais que ses droits étaient légitimes. On parvint cependant à régler les conditions d'un accord provisionnel qui partageait l'héritage en deux parties égales : un gros diamant fut d'abord remis à Frédéric Ier, et il consentit à laisser ses troupes en Flandre. Louis XIV mit le prince de Conti en possession d'Orange : le Roi s'en trouva grièvement offensé; il augmenta son armée, et prit même des troupes de Gotha et de Wolfenbüttel à son service; il déclara peu après la guerre à la France, à cause que l'armée de Boufflers avait commis quelques excès dans le pays de Clèves. Louis XIV ne s'aperçut pas qu'il eût un ennemi de plus; et le nouveau roi fit en cela beaucoup pour sa passion, mais rien pour ses intérêts. Il manifestait sa haine pour la France dans toutes les occasions : il obligea le duc Antoine-Ulrich de Wolfenbüttel à renoncer aux engagements qu'il avait pris avec Louis XIV, après que les ducs de Hanovre et de Celle eurent dissipé les troupes qu'il entretenait au moyen des subsides français.

Dans ce temps, l'Angleterre faisait des efforts prodigieux pour la maison d'Autriche; ses flottes transportèrent l'archiduc Charles, qui depuis devint empereur, dans le royaume d'Espagne, qu'une armée anglaise devait aider à lui conquérir. L'enthousiasme de l'Europe pour la maison d'Autriche surpassait tout ce qu'on en peut imaginer.

Tant que dura la guerre de succession, les troupes prussiennes soutinrent avec éclat la réputation qu'elles avaient acquise sous le Grand Électeur : elles prirent Kayserswerth près du Rhin, et dans cette action de Höchstädt, où Villars surprit et battit Styrum, le prince d'Anhalta fit une belle retraite avec les huit mille Prussiens qu'il commandait. Je lui ai ouï dire que, lorsqu'il s'aperçut de la confusion et de la fuite des Autrichiens, il forma un quarré de ses troupes, et traversa une grande plaine en bon ordre jusqu'à un


a Léopold, prince régnant d'Anhalt-Dessau, alors lieutenant-général.