<315>à l'occasion de la fête du nom de l'Impératrice. Mais le poids de ces dix mille hommes n'est rien. Cette rivière, qui porte des vaisseaux de guerre en été, porte en hiver sur le dos de ses glaces, outre ces dix mille hommes armés, cent mille spectateurs et cinquante pièces de canon qu'on y décharge à différentes reprises toutes ensemble.
Le jour de l'audience étant venu, S. M. I. me l'a donnée de dessus un trône dressé exprès dans une chambre à côté d'une superbe galerie qui vient d'être achevée. La cour, composée des deux sexes, était très-nombreuse et magnifique. L'air et la majesté de cette grande princesse me frappa; mais, comme je n'avais rien que d'agréable à lui dire, je me rassurai facilement, et tins ma harangue avec plus de présence d'esprit et de fermeté que je ne m'en étais flatté. Depuis ce temps, j'ai déjà assisté à différentes fêles, qui se donnent ici avec beaucoup de magnificence et plus de goût que je ne m'attendais à en trouver.
Il fait terriblement froid ici, mais l'air y est sain, et je ne me suis de longtemps pas si bien porté qu'à présent. Huit jours après mon arrivée, j'eus la joie inexprimable de recevoir une gracieuse marque du souvenir de V. A. R. par sa lettre no 2. J'y aurais répondu incontinent, si je n'avais pas attendu réponse à une lettre que j'ai écrite au sujet de l'Histoire du prince Eugène. Elle est arrivée comme je m'en étais flatté, et j'ai aujourd'hui la satisfaction de pouvoir donner à V. A. R. l'assurance que j'aurai dans peu l'honneur de lui en envoyer un exemplaire, quelque difficulté qu'il y ait de se procurer une copie de ce manuscrit, qui, comme on assure, ne doit jamais être imprimé.
Comme je ne puis absolument m'empêcher de faire cas de tout ce que V. A. R. aime le moins du monde, je ne dirai point non plus de mal de Mimi, ni ne lui en voudrai pour avoir essayé de livrer aux flammes l'ouvrage immortel du divin Wolff, trouvant d'ailleurs fort naturel et fort ingénieux que ce pauvre animal ait cherché à se défaire d'un papier qui empêche si souvent son cher maître de s'amuser avec lui et de prendre plaisir à ses singeries. Il me semble qu'à sa place, et avec toute ma raison, je n'aurais pu mieux raisonner, et que j'en aurais fait tout autant.
Je m'abstiens de répondre aux flatteuses expressions dont il a