<227>disputons : chacun expose son opinion, c'est à la plus solide à l'emporter. Je m'attends bien que vous ne demeurerez point en reste, et que dans peu vous me donnerez matière à de nouvelles réflexions; ce qui vous vaudra une nouvelle réponse de ma part. Je suis avec une tendre estime, etc.

VI. LETTRE DE PHILOPATROS.

Je me glorifie, mon cher ami, d'avoir sapé quelques-uns de vos préjugés; ils sont tous également nuisibles, on ne saurait assez les détruire. Vous avez raison de dire que la dispute dont il s'agit n'est pas réellement entre nous, mais entre des arguments dont les plus solides et les plus forts doivent l'emporter sur les plus faibles. Nous ne faisons autre chose que discuter entre nous une matière pour découvrir où se trouve la vérité, afin de nous ranger du côté de l'évidence. Ne croyez pas cependant que mes raisons soient épuisées. En relisant vos lettres, une foule de nouvelles idées s'est présentée à mon esprit; il ne me reste qu'à vous les exposer le plus nettement et le plus succinctement que je pourrai.

Je commencerai donc, avec votre permission, par vous expliquer ce que j'entends par le pacte social, qui est proprement une convention tacite de tous les citoyens d'un même gouvernement, qui les engage à concourir avec une ardeur égale au bien général de la communauté. De là dérivent les devoirs des individus, qui, chacun selon leurs moyens, leurs talents et leur naissance, doivent s'intéresser et contribuer au bien de leur patrie commune. La nécessité de subsister, et l'intérêt, qui opèrent sur l'esprit du peuple, l'obligent, pour son propre avantage, à travailler pour le bien de ses concitoyens. De là la culture des terres, des vignes, des jardins, le soin des bestiaux, les manufactures,