<208>semblable. On peut contraindre par violence un pauvre misérable à prononcer un certain formulaire, auquel il dénie son consentement intérieur; ainsi le persécuteur n'a rien gagné. Mais si l'on remonte à l'origine de la société, il est de toute évidence que le souverain n'a aucun droit sur la façon de penser des citoyens.a Ne faudrait-il pas être en démence pour se figurer que des hommes ont dit à un homme leur semblable : Nous vous élevons au-dessus de nous, parce que nous aimons à être esclaves, et nous vous donnons la puissance de diriger nos pensées à votre volonté? Ils ont dit au contraire : Nous avons besoin de vous pour maintenir les lois auxquelles nous voulons obéir, pour nous gouverner sagement, pour nous défendre; du reste, nous exigeons de vous que vous respectiez notre liberté. Voilà la sentence prononcée, elle est sans appel, et même cette tolérance est si avantageuse aux sociétés où elle est établie, qu'elle fait le bonheur de l'État. Dès que tout culte est libre, tout le monde est tranquille; au lieu que la persécution a donné lieu aux guerres civiles les plus sanglantes, les plus longues et les plus destructives. Le moindre mal qu'attire la persécution est de faire émigrer les persécutés; la France a eu des provinces dont la population a souffert, et qui se ressentent encore de la révocation de l'édit de Nantes.

Ce sont là, en général, les devoirs qu'un prince doit remplir. Afin qu'il ne s'en écarte jamais, il doit se rappeler souvent qu'il est homme comme le moindre de ses sujets; s'il est le premier juge, le premier général, le premier financier, le premier ministre de la société, ce n'est pas pour qu'il représente, mais afin qu'il en remplisse les devoirs. Il n'est que le premier serviteur de l'État,a obligé d'agir avec probité, avec sagesse et avec un entier désintéressement, comme si à chaque moment il devait rendre compte de son administration à ses citoyens. Ainsi il est coupable, s'il prodigue l'argent du peuple, le produit des impôts, en luxe, en faste, en débauches, lui, qui doit veiller aux bonnes mœurs qui sont les gardiennes des lois, qui doit perfectionner l'éducation nationale, et non la pervertir par de mauvais exemples. C'est un


a Voyez ci-dessus, p. 6 et 42.

a Voyez ci-dessus, p. 225.