<125>et les assassinats ne se commettent plus guère dans le monde; les princes sont en sûreté de ce côté-là, ces crimes sont usés, ils sont sortis de mode, et les raisons qu'en allègue Machiavel sont très-bonnes; il n'y a tout au plus que le fanatisme de quelques ecclésiastiques qui puisse leur faire commettre un crime aussi épouvantable, par pur fanatisme. Parmi les bonnes choses que Machiavel dit à l'occasion des conspirations, il y en a une très-bonne, mais qui devient mauvaise dans sa bouche; la voici. « Un conjurateur, dit-il, est troublé par l'appréhension des châtiments qui le menacent, et les rois sont soutenus par la majesté de l'empire et par l'autorité des lois. » Il me semble que l'auteur politique n'a pas bonne grâce à parler des lois, lui qui n'insinue que l'intérêt, la cruauté, le despotisme et l'usurpation. Machiavel fait comme les protestants : ils se servent des arguments des incrédules pour combattre la transsubstantiation des catholiques, et ils se servent des mêmes arguments dont les catholiques soutiennent la transsubstantiation, pour combattre les incrédules.

Machiavel conseille donc aux princes de se faire aimer, de se ménager, pour cette raison, et de gagner également la bienveillance des grands et des peuples; il a raison de leur conseiller de se décharger sur d'autres de ce qui pourrait leur attirer la haine d'un de ces deux états, et d'établir, pour cet effet, des magistrats juges entre le peuple et les grands. Il allègue le gouvernement de France pour modèle. Cet ami outré du despotisme et de l'usurpation d'autorité approuve la puissance que les parlements de France avaient autrefois. Il me semble, à moi, que, s'il y a un gouvernement dont on pourrait de nos jours proposer pour modèle la sagesse, c'est celui d'Angleterre : là, le parlement est l'arbitre du peuple et du Roi, et le Roi a tout le pouvoir de faire du bien, mais il n'en a point pour faire le mal.

Machiavel entre ensuite dans une grande discussion sur la vie des empereurs romains, depuis Marc-Aurèle jusqu'aux deux Gordiens. Il attribue la cause de ces changements fréquents à la vénalité de l'empire; mais ce n'en est pas la seule cause. Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, firent une fin funeste, sans avoir acheté Rome comme Didius Julianus. La vénalité fut enfin une raison de plus pour assassiner les empereurs; mais le