<5>Belle-Isle fut chansonné. Des couplets ne mériteraient certainement pas d'entrer dans un ouvrage aussi grave que le nôtre; mais comme ces sortes de traits marquent le génie de la nation, nous croyons ne point devoir omettre ce couplet-ci :

Quand Belle-Isle partit une nuit
De Prague à petit bruit,
Il dit, voyant la lune :
Lumière de mes jours,
Astre de ma fortune,
Conduisez-moi toujours.

En pareille occasion, on aurait jeûné à Londres, exposé le sacrement à Rome, coupé des têtes à Vienne : il valait mieux se consoler par une épigramme.

La retraite du maréchal Belle-Isle eut le sort de toutes les actions des hommes : il y eut des fanatiques qui par zèle la comparèrent à la retraite des Dix mille de Xénophon; d'autres trouvaient que cette fuite honteuse ne pouvait se comparer qu'à la défaite de Guinegate. Ils avaient tort les uns et les autres : seize mille hommes qui évacuent Prague, et se retirent de la Bohême devant seize mille hommes qui les poursuivent, n'ont ni les dangers à courir, ni la longueur des chemins à traverser qu'eurent les troupes de Xénophon pour retourner du fond de la Perse en Grèce; mais aussi ne faut-il pas outrer les choses, et comparer une marche où les Français ne purent être entamés par les ennemis, à une défaite totale. Les dispositions de M. Belle-Isle étaient bonnes; le seul reproche qu'on puisse lui faire, est de n'avoir pas dans sa marche assez ménagé ses troupes.

Dès lors la fortune de la reine de Hongrie prit un air plus riant. Le maréchal Traun défit en Italie M. de Gages, qui passait le Panaro pour l'attaquer. Cette victoire ne satisfit point la cour de Vienne : elle trouva que le maréchal Traun n'en avait pas assez fait; elle voulait des batailles qui eussent de grandes suites. Enfin ce maréchal fut jugé comme Apollon par Midas; et c'était cependant le premier de leurs généraux qui eût triomphé de leurs ennemis. La maison d'Autriche commençait à regagner des provinces perdues, et assurait celles qui étaient menacées. Cela ne