<4>devient ministre de la guerre dans ces temps où toute l'Europe était en feu, et un ancien capitaine de dragons, nommé Orry, qu'on met à la tête des finances. Maurepas s'imaginait rendre Louis XV souverain des mers, et le Roi le serait devenu, si les discours d'un homme aimable avaient pu opérer ce miracle. Amelot était de ces esprits rétrécis qui, comme les yeux myopes, distinguent à peine les objets de près. Cet aréopage gouverna donc la France; c'était proprement une aristocratie qui, naviguant sans boussole sur une mer orageuse, ne suivait pour système que l'impulsion des vents.

Les armées ne prospérèrent pas sous cette nouvelle administration. Quoique l'armée de Maillebois joint aux Bavarois, fut encore sur les frontières de l'Autriche, le prince de Lobkowitz avec seize mille Hongrois tenait toujours le maréchal de Belle-Isle bloqué dans Prague avec seize mille Français. Le corps de M. de Belle-Isle était presque tout composé d'infanterie, et celui des Autrichiens, de cavalerie. Cette situation inquiétait M. d'Argenson : soit par impatience, soit par humeur, soit par légèreté, ce robin fit expédier au maréchal de Belle-Isle l'ordre d'évacuer Prague. Cet ordre était plus facile à donner qu'à exécuter. Le maréchal de Belle-Isle fit ses dispositions en conséquence : il fit sortir la garnison le 18 de décembre au soir, par un froid très-perçant; il gagna trois marches sur le prince Lobkowitz, et, enfilant un chemin difficile qui donnait peu de prise à la cavalerie de l'ennemi, il continua de longer l'Éger, et arriva le dixième jour de sa marche à la ville d'Éger. Quatre mille hommes périrent de misère et de froid par les marches forcées qu'on leur fit faire; et cette armée délabrée, réduite à huit mille combattants, fut partagée : ce qui était encore en état de servir, joignit M. de Maillebois en Bavière, et les corps entièrement ruinés furent envoyés en Alsace pour se recruter.

La Bohême fut ainsi conquise et perdue, sans qu'aucune victoire ni des Français ni des Autrichiens eût décidé entre eux du sort des empires. Dans tout autre pays que la France, une retraite comme celle de M. de Belle-Isle aurait causé une consternation générale : en France, où les petites choses se traitent avec dignité et les grandes légèrement, on ne fit qu'en rire, et M. de