<22>en activité pour juger d'eux par leurs actions. Je ne connais ni Turgot ni Malesherbes, mais bien un M. de Malézieu, homme très-instruit et aimable, qui passait sa vie auprès de madame du Maine, à Sceaux. Vos financiers et vos robins ne sont connus que de ceux auxquels les uns donnent des billets payables au porteur, ou de ceux qui gagnent les procès par leur habileté; leur réputation ne passe pas le Rhin, à moins qu'il ne paraisse quelque factum bien fait sur quelque cause célèbre. On aime dans l'étranger ceux qui font plaisir, non ceux qui ennuient. L'auteur d'une bonne tragédie aura un nom plus généralement connu que le premier président aux enquêtes, et que le chancelier même. Et puis, tous ces ministres passent; ils sont sur un piédestal si mobile, que le moindre choc les renverse, et on regrette d'en avoir fait la connaissance. J'ai vu, moi qui n'ai que soixante-trois ans, plus de quatre-vingts ministres en France. Ces productions de la faveur ou de l'intrigue n'intéressent guère, à moins qu'il ne se trouve dans leur nombre quelque homme bien supérieur. Je m'en tiens à un Voltaire, à un Anaxagoras; leur espèce n'a pas besoin de décorations étrangères, elle vaut par elle-même. Je leur donne la préférence sur les la Vrillière, les Amelot, les Laverdie, les Terray, les Rouillé, et toute leur séquelle; non pas qu'un ministre habile et honnête ne soit estimable, mais il doit se contenter de l'approbation du peuple auquel il fait du bien; au lieu que les gens de lettres instruisent, plaisent, et amusent toute l'Europe; ils doivent donc de justice en recueillir les suffrages.

Je laisse à messieurs vos évêques la faculté de faire de leurs tours. Ce sont des moules à sottises; on ne peut attendre autre chose d'eux. Je les abandonne aux anathèmes encyclopédiques, et les dévoue, eux et leur séquelle, aux dieux infernaux, s'il y en a, mais non les bons pères jésuites, pour lesquels je conserve un chien de tendre, non comme moines, mais comme instituteurs de la jeunesse, comme gens de lettres, dont l'établissement est utile à la société. J'ai vu jouer Le Kain,a et j'ai admiré son art. Cet homme serait le Roscius de son siècle, s'il était un peu moins outré. J'aime à voir représenter nos passions avec vérité, telles


a Voyez t. XXIII, p. 378, 379, 380 et 394