<81>direz-vous. La raison en est simple : on reçoit plus tôt des instructions quand elles n'ont que vingt-quatre milles à faire que quand on les attend de quatre-vingts ou de deux cents lieues. Vous dites, monsieur le maréchal, que les ministres du second ordre n'ont jamais disputé le pas au comte Brühl. Qui vous le dispute? Cela était simple : il était premier ministre d'un roi, et c'est un usage universel de céder à ceux qui occupent un pareil caractère. Mais les ministres de Saxe, mais ceux de Hanovre, du Palatin et de la Bavière, il est inouï qu'ils aient jamais fait de pareilles prétentions. Il y a au contraire des exemples que des maréchaux de France ont prétendu s'égaler à des électeurs : voilà ce qui brouilla Villars avec Maximilien, électeur de Bavière; l'Électeur palatin proposa un cartel à M. de Turenne. Enfin vous voyez par là, monsieur de Wackerbarth, que vos prétentions sont singulières et nouvelles.

Vous me dites que vous vous étonnez que moi qui n'aime pas les cérémonies, la moutarde me monte au nez par rapport à ce qui s'est passé à Dresde. A cela je réponds qu'il est très-vrai que je n'aime ni les cérémonies, ni les gênants embarras de l'étiquette, dans la vie civile et privée; mais que cela n'empêche pas que je ne soutienne les prérogatives de la dignité dont je jouis. Vous serez peut-être étonné, monsieur de Wackerbarth, si je vous apprends que moi, le plus simple des hommes, j'ai obligé Louis XV d'admettre l'alternative des signatures dans les traités qu'il a conclus avec moi.a Vous prétendez qu'on peut éviter de se compromettre, en fuyant des occasions qui pourraient donner lieu à des disputes de rang. La meilleure façon de l'éviter est de mettre vingt-quatre milles de distance entre les concurrents. Vous me dites que je suis électeur. A la bonne heure; mais parce que je suis électeur, est-ce une raison pour m'insulter plus librement? Vous êtes mort et enterré, mon bon monsieur de Wackerbarth; mais, si vous viviez encore, vous seriez instruit du bruit qu'a fait


a Le 5 juillet 1741, le ministre comte de Podewils remit au marquis de Valori une protestation conçue en ces termes : « La préférence des noms et de la signature du traité conclu et signé à Breslau, le 5 de juin a. c, entre Sa Majesté et Sa Majesté Très-Chrétienne, ne doit jamais être tirée à conséquence pour l'avenir, ni porter le moindre préjudice aux prérogatives de la couronne de Prusse. »