<77>sirais mal à en faire le récit. Je ne vois tout au plus que des masques en figure. Ma ressource est la comédie française; nous avons une troupe passable pour le comique, mais trop faible pour rendre les grandes beautés tragiques. Si Voltaire avait vu jouer ici sa Mérope, il eût dit que le ciel le punissait d'avoir écrit le Dictionnaire philosophique.

Vous vous délassez maintenant, Sire, avec les beaux-arts. Je vous souhaite ce doux plaisir sans interruption pendant une longue suite d'années, étant avec les sentiments de la plus parfaite considération, etc.

35. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Le 30 janvier 1765.



Madame ma sœur,

Je crois que Votre Altesse Royale s'efforce d'avoir de l'indulgence pour mon bavardage, et qu'elle reçoit en pitié les prémices de mon radotage. J'y touche de si près, madame, que, à l'exemple de certain évêque qui chargea Gil Blas de l'avertir quand ses homélies baisseraient,a je me pourvois de même d'un thermomètre pour m'avertir de ma caducité. J'ai déjà cru, ce carnaval, que j'avais perdu l'ouïe; mais les courtisans m'ont fort rassuré en me disant que la Bartolottia n'avait point de voix. Le procès est donc à présent entre sa poitrine et mes oreilles; à savoir qui des deux a tort.

J'ai connu, madame, quelques acteurs de votre comédie; il y avait un certain Favier, qui autrefois n'était pas mauvais. On trouve de ces histrions propres pour jouer la comédie; les bons tragiques sont même rares en France. La raison en est, je crois, que des ridicules bourgeois ou des fadeurs de petits-maîtres sont


a Voyez t. XIX, p. 361, et t. XXIII, p. 336.

a Chanteuse arrivée à Berlin au mois d'août 1764.