<560>proprement, d'un rhumatisme dans cette partie, qui m'interdisait et le sommeil, et la plus légère application.

Les vers charmants que V. M. a eu la bonté de m'envoyer n'étaient pas propres, Sire, à guérir mon insomnie; ces deux nouveaux chants me paraissent ne céder en rien aux deux précédents. J'ai été surtout charmé de la peinture de l'Église catholique dans le troisième, et de l'alliance qui en résulte des très-catholiques confédérés avec le très-chrétien Mustapha. Dans le quatrième, la délivrance que la sainte Vierge Marie procure aux confédérés assiégés en s'adressant à son fils est une imagination vraiment plaisante et poétique. Mais ce qui me plaît surtout de cet ouvrage, Sire, c'est que nulle part l'imagination n'y fait rien perdre à la raison, que jamais elles n'ont été si bonnes amies, et que V. M. sait partout mêler, suivant le précepte d'Horace, utile dulci,a l'utile à l'agréable. A l'égard des confédérés, je ne sais ce que mes confrères les philosophes en pensent; je crois bien qu'ils pourraient avoir gagné à n'être vus que de loin. Mais si ces confédérés se plaignent, à tort ou à droit, d'être opprimés par la Russie, j'entends, d'un autre côté, cent mille paysans et davantage, qui se plaignent ou qui peuvent se plaindre, non à tort, mais à très-grand droit, d'être opprimés de temps immémorial par ces mêmes confédérés; et tant que ces derniers seront oppresseurs, je ne verrai dans leurs ennemis qu'un maître qui rend à son valet de chambre les coups de bâton que celui-ci donne aux laquais. C'est à peu près le tableau que je me fais de l'état actuel de la Pologne, et je ne suis nullement surpris que V. M. travaille à empêcher, si elle le peut, que la guerre ne s'y allume encore davantage, et que les maux de l'humanité, déjà si accumulés dans ce malheureux pays, ne s'y entassent encore par de nouvelles dévastations. Ce projet et ces vues sont bien dignes de l'âme de V. M.; je sais plus, je sais qu'elle a fait proposer à une grande puissance de l'Europe de se rendre médiatrice, et je désirerais vivement, pour mille raisons, que les vœux si respectables de V. M. pussent être remplis à cet égard. Mais je n'entre point, comme de raison, dans le conseil et les desseins des rois, et je me contente de prier à la porte de leurs palais que la sa-


a Art poétique, v. 343. Voyez t. XXI, p. 353.