<80>que, pour deux hommes d'esprit dans une société, il s'en trouve mille que frère Lourdisa a fabriqués.

Pour votre duc, monsieur le comte, vous le louez mal, à mon sens, en m'assurant qu'il fait des vers comme moi. Je ne suis pas assez dépourvu de goût pour ne pas sentir que les miens ne valent pas grand' chose. Vous le loueriez mieux, si vous pouviez me persuader (ce qui est difficile) que ledit duc ne soit endiablé des Autrichiens; et je soutiens, en outre, que ni Socrate ni le juste Aristide n'auraient jamais consenti qu'on démembrât le moins du monde la république grecque; en quoi j'imite leur façon de penser.

C'est à présent que je dois déployer toutes les voiles de la politique et de l'art militaire. Ces filous qui me font la guerre m'ont donné des exemples que j'imiterai au pied de la lettre. Il n'y aura point de congrès à Bréda, et je ne poserai les armes qu'après avoir fait encore trois campagnes. Ces polissons verront qu'ils ont abusé de mes bonnes dispositions, et nous ne signerons la paix que le roi d'Angleterre à Paris, et moi à Vienne.

Mandez cette nouvelle à votre petit duc; il en pourra faire une gentille épigramme. Et vous, monsieur le comte, vous payerez des vingtièmes jusqu'à extinction de vos finances.

On m'a mis en colère; j'ai rassemblé toutes mes forces; et tous ces drôles qui faisaient les impertinents apprendront à qui ils se sont joués.

Le comte de Saint-Germainb est un conte pour rire. Pour votre duc, il ne sera pas longtemps ministre; songez qu'il a duré deux printemps. Cela est exorbitant en France, et presque sans exemple. Sous ce règne-ci, les ministres n'ont pas poussé des racines dans leurs places.

Je vous ai envoyé mon Charles XII;a je n'en ai fait tirer que douze exemplaires, que j'ai donnés à mes amis. Il ne m'en est resté


a Voyez la Pucelle, chant XXI, v. 188 et suivants.

b C'était un aventurier qui se donnait pour immortel; il avait assisté Jésus-Christ au Calvaire, et s'était trouvé au concile de Trente; il vivait moitié aux dépens des dupes qui le croyaient un adepte, moitié aux dépens des ministres qui l'employaient comme espion. (Note de l'édition de Kehl.) Ce comte de Saint-Germain, dont l'origine et le vrai nom sont inconnus, mourut dans l'obscurité, à Schleswig, en 1784.

a Voyez t. VII, p. IV, et 79-101.