<169>ce que vous avez écrit sur le même sujet, et qui sera préférable à mon bavardage.

Je n'entends plus parler des Grecs modernes. Si jamais les sciences refleurissent chez eux, ils seront jaloux qu'un Gaulois, par sa Henriade, ait surpassé leur Homère, que ce même Gaulois l'ait emporté sur Sophocle, se soit égalé à Thucydide, et ait laissé loin derrière lui Platon, Aristote. et toute l'école du Portique.

Pour moi, je crois que les barbares possesseurs de ces belles contrées seront obligés d'implorer la clémence de leurs vainqueurs, et qu'ils trouveront dans l'âme de Catherine autant de modération à conclure la paix que d'énergie pour pousser vivement la guerre. Et quant à cette fatalité qui préside aux événements, selon que le prétend l'auteur du Système de la nature, je ne sais quand elle amènera des révolutions qui pourront ressusciter les sciences ensevelies depuis si longtemps dans ces contrées asservies et dégradées de leur ancienne splendeur.

Mon occupation principale est de combattre l'ignorance et les préjugés dans les pays que le hasard de la naissance me fait gouverner, d'éclairer les esprits, de cultiver les mœurs, et de rendre les hommes aussi heureux que le comporte la nature humaine, et que le permettent les moyens que je puis employer.

A présent, je ne fais que revenir d'une longue course; j'ai été en Moravie, et j'ai revu cet empereur qui se prépare à jouer un grand rôle en Europe. Né dans une cour bigote, il en a secoué la superstition; élevé dans le faste, il a adopté des mœurs simples; nourri d'encens, il est modeste; enflammé du désir de la gloire, il sacrifie son ambition au devoir filial, qu'il remplit avec scrupule; et, n'ayant eu que des maîtres pédants, il a assez de goût pour lire Voltaire, et pour en estimer le mérite.

Si vous n'êtes pas satisfait du portrait véridique de ce prince, j'avouerai que vous êtes difficile à contenter. Outre ces avantages, ce prince possède très-bien la littérature italienne; il m'a cité beaucoup de vers du Tasse, et le Pastor fidoa presque en entier. Il faut toujours commencer par là. Après les belles-lettres, dans l'âge de la réflexion, vient la philosophie; et quand nous


a Du Guarini, né en 1537, mort en 1612.