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146. A VOLTAIRE.a

Remusberg, 7 (sic) octobre 1740.

L'amant favori d'Uranie
Va fouler nos champs sablonneux,
Environné de tous les dieux,
Hors de l'immortelle Emilie.

Brillante Imagination,
Et vous ses compagnes les Grâces,
Vous nous annoncez par vos traces
Sa rapide apparition.

Notre âme est souvent le prophète
D'un sort heureux et fortuné;
Elle est le céleste interprète
De ton voyage inopiné.

L'aveugle et stupide Ignorance,
Craint pour son règne ténébreux;
Tu parais; toute son engeance
Fuit tes éclairs trop lumineux.

Enfin l'heureuse Jouissance
Ouvre les portes des Plaisirs;

Les Jeux, les Ris, et nos désirs,
T'attendent pleins d'impatience.

Des mortels nés d'un sang divin
Volent de Paris, de Venise,
Et des rives de la Tamise,
Pour te préparer le chemin.

Déjà les Beaux-Arts ressuscitent;
Tu fais ce miracle vainqueur;
Et de leur sépulcre ils te citent
Comme leur immortel sauveur.


a Cette lettre est tirée des Œuvres posthumes, t. IX, p. 116-120. Il s'en trouve aussi deux fragments dans le t. LXV de l'édition de Kehl, l'un à la page 51, et l'autre à la page 56. Le premier fait partie de la lettre qui porte, dans notre recueil, le no 148 et la date du 12 octobre : le second est cité comme variante dans notre no 151, du 21 (24).