<34>Enfin, je puis me flatter de vous voir ici. Je ne ferai point comme les habitants de la Thrace, qui, lorsqu'ils donnaient des repas aux dieux, avaient auparavant mangé la moelle eux-mêmes. Je recevrai Apollon comme il mérite d'être reçu, cet Apollon non seulement dieu de la médecine, mais de la philosophie, de l'histoire, enfin de tous les arts.

L'ananas, qui de tous les fruits
Rassemble en lui les goûts exquis,
Voltaire, est de fait ton emblème;
Ainsi les arts au point suprême
Se trouvent en toi réunis.

Vous m'attaquez un peu sur le sujet de ma santé; vous me croyez plein de préjugés, et je crois en avoir peut-être trop peu, pour mon malheur.

Aux saints de la cour d'Hippocrate
En vain j'ai voulu me vouer;
Comment pourrai-je m'en louer?
Tout, jusqu'au quinquina, me rate.

Ou jésuite, ou musulman,
Ou bonze, ou brame, ou protestant,
Ma peu subtile conscience
Les tient en égale balance.

Pour vous, arrogants médecins,
Je suis hérétique incrédule;
Le ciel gouverne nos destins,
Et non pas votre art ridicule.

L'avocat, fort d'un argument,
Sur la chicane et l'éloquence
Veut élever notre espérance;
Tout change par l'événement.

De ces trois états la furie
Nous persécutent à la mort;
L'un en veut à notre trésor,
L'autre à l'âme, un autre à la vie.

Très-redoutables charlatans,
Médecins, avocats et prêtres,
Assassins, scélérats et traîtres,
Vous n'éblouirez point mes sens.