<244>Il est enfin venu, ce d'Arnaud qui s'est tant fait attendre. Il m'a remis votre lettre, ces vers charmants qui font toujours honte aux miens; et je redouble d'impatience de vous revoir. A quoi sert-il que la nature m'ait fait naître votre contemporain, si vous m'empêchez de profiter de cet avantage?

Depuis deux mille ans nous lisons
Les vers de Virgile et d'Horace;
Avec eux plus ne conversons.
Qui pourrait les voir face à face
S'instruirait bien par leurs leçons.

Oui, la mort, ainsi que l'absence,
Sépare les pauvres humains;
L'Homère même de la France
Est pour nous, ses contemporains,
Qui vivons loin de sa présence,
Aussi mort que ces grands Romains.

Tous les siècles seront les maîtres
De vos ouvrages immortels;
Ils pourront à leur tour connaître
Tant de talents universels.
Pour moi, j'ose un peu plus prétendre;
Avide de tous vos écrits,
Je veux, de vos charmes épris,
Vous voir, vous lire, et vous entendre.

Dans ce moment je reçois le tome où se trouvent Oreste, une lettre sur les Mensonges, etc., et une autre au maréchal de Schulenbourg. Vous m'avez placé tout au milieu d'une lettre où je suis surpris de me trouver. Vous savez relever les petites choses par la manière dont vous les mettez en œuvre. Je vois combien vous êtes un grand maître en éloquence. Oui, si l'éloquence ne transporte pas des montagnes comme la foi, elle abaisse les hauteurs, elle relève les fonds, elle est maîtresse de la nature, et surtout du cœur humain. La belle science! qu'heureux sont ceux qui la possèdent, et surtout qui la manient avec autant de supériorité que vous!

J'ai cru que vous aviez, il y a longtemps, ces Mémoires de notre Académie. On les relie actuellement, et on vous les en-