<245>verra incontinent. Vous y trouverez répandus quelques-uns de mes ouvrages; mais je dois vous avertir que ce ne sont que des esquisses. J'ai employé, depuis, un temps considérable à les corriger. On en fait actuellement une édition avec des augmentations et des corrections nombreuses, qui sera plus digne de votre attention. Vous l'aurez dès que l'imprimeur aura achevé sa besogne.

Vous me demandez mon poëme; mais il ne peut point se montrer. D'Arnaud vous mandera ce qu'il contient.

J'osais de mes pinceaux hardis
Croquer le ciel du fanatique,
Son enfer et son paradis,
Et me gausser en hérétique
De ces foudres hors de pratique
Dont Rome écrase les maudits;
Mais de mes vers tant étourdis,
Dont je connais le ton caustique,
Je cache le recueil épique
A vos indiscrets de Paris.

Certain Boyer, qui chez vous brille,
Grand frondeur de plaisants écrits.
Ferait condamner par ses cris
Mes pauvres vers à la Bastille.
Je hais ces funestes lambris;
Ma Muse, les Jeux, et les Ris,
Dans ma demeure tant gentille

Ne craignent point pareils mépris.
C'est assez lorsqu'en sa jeunesse
On a tâté de la prison;a
Mais dans l'âge de la sagesse
Y retourner, c'est déraison.

Ainsi, mon cher Voltaire, si vous voulez voir de mes sottises, il faut venir sur les lieux; il n'y a plus moyen de reculer. Le poëme, à la vérité, ne vous payera pas des fatigues du voyage; mais le poëte qui vous aime en vaut peut-être la peine. Vous


a Allusion au séjour forcé que Frédéric fit à Cüstrin, du 4 septembre 1730 au 26 février 1732. Voyez J.-D.-E. Preuss, Friedrichs des Grossen Jugend und Thronbesteigung, p. 75 et suivantes. Voyez aussi t. XXI, p. 101 de notre édition.