<152>crient, ils se débattent, et cassent leurs laisses pour courir sus aux Anglais et à leurs pesants serviteurs les Hollandais. Toute la nation, en vérité, montre une ardeur incroyable. Heureusement encore votre ami de Strasbourgb ne fera plus semblant de commander les armées, et l'Empereur, appuyé de V. M. et de la France, pourra bientôt donner des opéras à Munich.

Comme j'ai osé faire force questions à V. M., je lui ferai un petit conte, mais c'est en cas qu'elle ne le sache pas déjà.

Il y a quelques mois que madame Adélaïde, troisième fille du Roi mon maître, ayant treize louis d'or dans sa poche, se releva pendant la nuit, s'habilla toute seule, et sortit de sa chambre. Sa gouvernante s'éveilla, lui demanda où elle allait. Elle lui avoua ingénument qu'elle avait ordonné à un palefrenier de lui tenir deux chevaux prêts pour aller commander l'armée et secourir l'Empereur; mais, si elle apprend que V. M. s'en mêle, elle dormira tranquillement désormais.

Au moment où j'ai l'honneur d'écrire à V. M., nos troupes sont en marche pour aller prendre le Vieux-Brisach. A l'égard des troupes de comédiens, j'apprends une singulière anecdote dans cette ville de Lille; c'est que, tandis qu'elle fut assiégée par le duc de Marlborough, on y joua la comédie tous les jours, et que les comédiens y gagnèrent cent mille francs. Avouez, Sire, que voilà une nation née pour le plaisir et pour la guerre.

Titus prie toujours V. M. pour ce pauvre Courtils qui est à Spandow, sans nez.a

Je suis pour jamais aux pieds de Votre Humanité, etc.


b Voyez t. XIV, p. 185, et ci-dessus, p. 153.

a Ce malheureux, enfermé à Spandow en 1730 pour avoir pris part à un complot de désertion, ne fut relâché que le 7 juillet 1749. Les dominicains de Halberstadt le recueillirent. Voyez Fassmann, Leben Friedrich Wilhelms I, t. I, p. 1010 et 1011, et Urkundenbuch zu der Lebensgeschichte Friedrichs des Grossen, par J.-D.-E. Preuss, t. I, p. 151, no 386.