<371>Il ne chercha point dans la France
Ce radoteur, vieille Eminence,
Qu'un peuple rongé par la faim,
Ou quelque auteur manquant de pain,
Assez grossièrement encense;
Mais, loin de ce prélat romain,
Il trouva l'aimable Voltaire,
Que Minerve même instruisait,
Tenant en ses mains notre sphère,
Qui sagement examinait,
Et tout rigidement pesait
Au poids que, d'une main sévère,
La V érité lui fournissait.
Ah! dit l'ange, c'est mon affaire.
Si l'esprit, ainsi qu'autrefois,
Sur le trône élevait les rois,
La Prusse te verrait naguère
Revêtu de ce caractère;
Mais de plus indulgentes lois
Aux sots donnent les mêmes droits.
D'où vient que ces faveurs insignes
Ne sont jamais pour les plus dignes?a

Cet ange, ou ce génie de la Prusse, n'en resta pas là; il voulait, à quelque prix que ce fût, vous engager à vous mettre à la tête de cette nouvelle Académie dont le rêve fait mention. Je lui dis que nous n'en étions pas encore où nous en croyions être;

Car que peut une académie
Contre l'appât de la beauté?
Le poids seul que donne Émilie
Entraîne tout de son côté.

L'ange tenait ferme; il prétendait prouver que le plaisir de connaître était préférable à celui de jouir.

Mais finissons, ceci suffit;
Car Despréaux sagement dit
Qu'un bavard qui prétend tout dire,
Franc ignorant dans l'art d'écrire,
Lasse un lecteur qu'il étourdit.a


a Ces huit derniers vers, omis dans l'édition de Kehl, se trouvent dans les Œuvres posthumes, t. IX, p. 101.

a

Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.

Boileau,

Art poétique

, chant I, v. 63.