<258>demandé la vérité, et que Thieriot n'avait point répondu. Aussitôt voilà le cœur généreux de madame du Châtelet, cœur digne du vôtre, qui s'enflamme; elle écrit à V. A. R.; elle vous fait entendre des plaintes bienséantes dans sa bouche, mais interdites à la mienne. Voici le fait.

Un homme, le chevalier de Mouhi, qui a déjà écrit contre l'abbé Desfontaines, fait une petite brochure littéraire contre lui;a et, dans cette brochure, il imprime une lettre que j'ai écrite il y a deux ans. Dans cette lettre j'avais cité un fait connu : que l'abbé Desfontaines, sauvé du feu par moi, avait, pour récompense, fait sur-le-champ un libelle contre son bienfaiteur, et que Thieriot en était témoin. Tout cela est la plus exacte vérité, vérité bien honteuse aux lettres. Si Thieriot, dans cette occasion, craint de nouvelles morsures de l'abbé Desfontaines, s'il s'effraye plus de ce chien enragé qu'il n'aime son ami, c'est ce que j'ignore; il y a longtemps que je n'ai reçu de ses nouvelles. Je lui pardonne de ne se point commettre pour moi. Je fais un petit Mémoire apologétiqueb pour répondre à l'abbé Desfontaines. Madame du Châtelet l'a envoyé à V. A. R.; je l'ai fort corrigé depuis. Je ne dis point d'injures; l'ouvrage n'est point contre l'abbé Desfontaines, il est pour moi; je tâche d'y mêler un peu de littérature, afin de ne point fatiguer le public de choses personnelles.

Mais je sens que je fatigue fort V. A. R. par tout ce bavardage. Quel entretien pour un grand prince! Mais les dieux s'occupent quelquefois des sottises des hommes, et les héros regardent des combats de cailles.

Je suis avec le plus profond respect, le plus tendre, le plus inviolable attachement, monseigneur, etc.


a Cette brochure, intitulée Le Préservatif, n'était pas de Mouhi, mais de Voltaire lui-même : elle se trouve dans l'édition Beuchot, t. XXXVII, p. 545-568.

b Mémoire du sieur de Voltaire. L. c., t. XXXVIII, p. 299-326. Il existe une seconde rédaction de cet écrit, sous le titre de Mémoire sur la Satire, l. c., p. 327-352.