<182>très-agréable, le prince voulut donner des marques éclatantes de sa satisfaction. Pour cet effet, il fit préparer un festin somptueux auquel M. de Printzen lut invité. On y but, à la façon des Russes, de l'eau-de-vie, et on en but brutalement. Le Czar, qui voulait donner un relief particulier à cette fête, fit amener une vingtaine de strélitz qui étaient détenus dans les prisons de Pétersbourg, et, à chaque grand verre qu'on vidait, ce monstre affreux abattait la tête de ces misérables. Ce prince dénaturé voulut, pour donner une marque de considération particulière à M. de Printzen, lui procurer, suivant son expression, le plaisir d'exercer son adresse sur ces malheureux. Jugez de l'effet qu'une semblable proposition dut faire sur un homme qui avait des sentiments et le cœur bien placé. De Printzen, qui ne le cédait en sentiments à qui que ce fût, rejeta une offre qui, en tout autre endroit, aurait été regardée comme injurieuse au caractère dont il était revêtu, mais qui n'était qu'une simple civilité dans ce pays barbare. Le Czar pensa se fâcher de ce refus, et il ne put s'empêcher de lui témoigner quelques marques de son indignation; ce dont cependant il lui fit réparation le lendemain.

Ce n'est pas une histoire faite à plaisir; elle est si vraie, qu'elle se trouve dans les relations de M. de Printzen, que l'on conserve dans les archives. J'ai même parlé à plusieurs personnes qui ont été dans ce temps-là à Pétersbourg, lesquelles m'ont attesté ce fait. Ce n'est point un conte su de deux ou trois personnes, c'est un fait notoire.

De ces horribles cruautés, passons à un sujet plus gai, plus riant et plus agréable; ce sera la petite pièce qui suivra cette tragédie.

Il s'agit de la muse de Gresset,a qui, à présent, est une des premières du Parnasse français. Cet aimable poëte a le don de s'exprimer avec beaucoup de facilité. Ses épithètes sont justes et nouvelles; avec cela il a des tours qui lui sont propres; on aime ses ouvrages, malgré leurs défauts. Il est trop peu soigné, sans contredit, et la paresse, dont il fait tant l'éloge, est la plus grande rivale de sa réputation.

Gresset a fait une Ode sur l'Amour de la patrie, qui m'a plu


a Voyez, t. XX, p. I et II, et 1-12.