<181>semences, et qu'on n'orne que des fleurs les plus rares et les plus exquises.

Vous verrez, par les pièces que je vous envoie, les fruits de ma retraite et de vos instructions. Je vous prie de redoubler votre sévérité pour tout ce qui vous viendra de ma part. J'ai du loisir, j'ai de la patience, et avec tout cela rien de mieux à faire qu'à changer les endroits de mes ouvrages que vous aurez réprouvés.

On travaille actuellement à la vie de la Czarine et du czarowitz. J'espère vous envoyer dans peu ce que j'aurai pu ramasser à ce sujet. Vous trouverez dans ces anecdotes des barbaries et des cruautés semblables à celles qu'on lit dans l'histoire des premiers Césars.

La Russie est un pays où les arts et les sciences n'avaient point pénétré. Le Czar n'avait aucune teinture d'humanité, de magnanimité, ni de vertu; il avait été élevé dans la plus crasse ignorance; il n'agissait que selon l'impulsion de ses passions déréglées; tant il est vrai que l'inclination des hommes les porte au mal, et qu'ils ne sont bons qu'à proportion que l'éducation ou l'expérience a pu modifier la fougue de leur tempérament.

J'ai connu le grand maréchal de la cour (de Prusse), Printzen, qui vivait encore en 1724, et qui, sous le règne du feu roi, avait été ambassadeur chez le Czar.a Il m'a raconté que, lorsqu'il arriva à Pétersbourg, et qu'il demanda de présenter ses lettres de créance, on le mena sur un vaisseau qui n'était pas encore lancé du chantier. Peu accoutumé à de pareilles audiences, il demanda où était le Czar; on le lui montra qui accommodait des cordages au haut du tillac. Lorsque le Czar eut aperçu M. de Printzen, il l'invita de venir à lui par le moyen d'un échelon de cordes; et, comme il s'en excusait sur sa maladresse, le Czar se descendit à un câble comme un matelot, et vint le joindre.

La commission dont M. de Printzen était chargé lui ayant été


a Marquard-Louis de Printzen, né en 1675, mort le 8 novembre 1725, fut deux fois en mission extraordinaire en Russie, de 1698 à 1699, et en 1700. Ses dépêches sont conservées aux archives royales de l'État; mais la relation citée par Frédéric ne s'y trouve pas. Le czar Pierre lui-même avait été à Berlin en 1697. Voyez t. I, p. 120.