<161>4o Je crois, d'ailleurs, que j'ai suffisamment développé la contradiction qui se trouve dans le système du franc arbitre, tant par rapport aux perfections de Dieu que relativement à ce que l'expérience nous confirme. Vous conviendrez donc avec moi que les moindres actions de la vie découlent d'un principe certain, d'une idée de bonheur qui nous frappe; et c'est ce qu'on appelle motifs raisonnables, qui sont, selon moi, les cordes et les contre-poids qui font agir toutes les machines de l'univers; ce sont les ressorts cachés dont il plaît à Dieu de se servir pour assujettir nos actions à sa volonté suprême.

Les tempéraments des hommes et les causes occasionnelles, toutes également asservies à la volonté divine, donnent ensuite lieu aux modifications de leurs volontés, et causent la différence si notable que nous voyons dans les actions des hommes.

5o Il me semble que les révolutions des corps célestes, et l'ordre auquel tous ces mondes sont assujettis, pourraient nous fournir encore un argument bien fort pour soutenir la nécessité absolue.

Pour peu qu'on ait de connaissance de l'astronomie, on est instruit de la régularité infinie avec laquelle les planètes font leur cours. On connaît, d'ailleurs, les lois de la pesanteur, de l'attraction, du mouvement, toutes lois inviolables de la nature. Si des corps de cette matière, si des mondes, si tout l'univers est assujetti à des lois fixes et permanentes, comment est-ce que M. Clarke, que Newton, viendront me dire que l'homme, cet être si petit, si imperceptible en comparaison de ce vaste univers, que dis-je? ce malheureux reptile qui rampe sur la surface de ce globe qui n'est qu'un point dans l'univers, cette misérable créature aura-t-elle seule le préalablea d'agir au hasard, de n'être gouvernée par aucunes lois, et, en dépit de son Créateur, de se déterminer sans raison dans ses actions? Car qui soutient la liberté entière des hommes nie positivement que les hommes soient raisonnables, et qu'ils se gouvernent selon les principes que j'ai allégués ci-dessus. Fausseté évidente; il ne faut que vous connaître pour en être convaincu.


a Cette misérable créature aura seule le droit, etc. (Variante des Œuvres posthumes. t. VIII, p. 351.)