<37>tient, selon lui, que par l'air natal, tous ces motifs l'emportent sur le sort brillant qui l'attendrait à Berlin. Mais je lui dois, et à la vérité, d'assurer V. M. qu'il ne regrette uniquement que de ne pouvoir pas l'approcher, et j'en suis d'autant plus fâché, qu'il le mérite plus qu'un autre. C'est un homme rare pour l'étendue des connaissances, les qualités du cœur et les dons de l'esprit; mais c'est un philosophe fidèle à ses principes, et qui ne connaît d'autres biens que la vie et la liberté, tel enfin que serait V. M., si le ciel ne l'avait pas fait naître un grand roi. Il n'a qu'un revenu très-modique, et il se promet bien, Sire, d'aller en jouir dans vos États, si jamais la mauvaise humeur des théologiens le met dans la nécessité de quitter une patrie qu'il aime et dont il est chéri. Il sent que c'est sous vos lois seules qu'un philosophe doit chercher un asile; cette idée est celle de tous les gens qui pensent.

Je dînai dernièrement chez M. de La Tour avec un homme que je vis pénétré de tous les sentiments que l'on doit à V. M.; c'est M. de Frey-Chapelle, ancien vice-grand écuyer du roi d'Angleterre, à Hanovre. Je crois qu'il mettrait son bonheur à appartenir à V. M., s'il pouvait être employé utilement à son service. Il me paraît homme sensé et de mérite, versé dans la connaissance des chevaux et la direction des haras. Des gens de ses amis m'ont dit qu'on lui avait offert bien des places dans quelques cours; mais il n'en voudrait aucune qui pût satisfaire l'espèce de ressentiment qu'on a pour lui à celle de Hanovre. Il est catholique romain, mais il me paraît homme sans préjugés, et avoir un fonds de zèle et d'admiration infini pour V. M. Elle a été la source de ma liaison avec M. de La Tour, qui fait, Sire, la profession la plus ouverte de vous être dévoué.

J'attendrai ici avec obéissance, résignation et impatience les ordres qu'il plaira à V. M. de me donner sur tout ce qui était l'objet de cette longue lettre, pour laquelle j'ose demander à V. M. sa patience et son indulgence. Je suis, etc.