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57. DE M. JORDAN.

Breslau, 8 mai 1741.



Sire,

J'ai reçu la lettre dont il a plu à Votre Majesté de m'honorer; c'est la première qui m'ait causé de la douleur. Je n'en ai pas l'obligation à ma mauvaise étoile.

Je n'ai quitté le camp que lorsque V. M. m'a ordonné de le quitter; si j'ai fait connaître quelque sentiment de crainte, c'est une preuve que j'ai été plus naturel que prudent. D'ailleurs, à quoi m'aurait servi de cacher des faiblesses qui n'auraient pu échapper aux yeux clairvoyants de V. M., qui a la bonté de supporter les hommes tels qu'ils sont, et de conniver à mes défauts?

L'histoire du médecin de Breslau, débitée à V. M., serait fort jolie, si elle ne regardait pas un homme qui n'a de maladie que celle d'aimer trop le genre humain et de penser tristement.

Je n'attends que les ordres de V. M. pour me mettre à ses pieds, pour avouer ma faiblesse, et pour l'assurer du zèle et du respect profond avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.

58. A M. JORDAN.

Ce 9 mai 1741.

Au camp retranché de Mollwitz,
Endroit où mortier, où haubitz,
Où canon et fusil décharge,
Et d'où Jordan gagna le large.

Comment! vous prenez gravement
Mes vers, mon épître volage?
Je vous connaissais autrement;
Vous me trompez, c'est grand dommage.
Le ton léger du badinage
Vous aurait-il paru mordant?
Si l'esprit pèche, c'est l'usage;
Mais pour le cœur, est innocent.