<346>Vous ne me parlez que du rappel de Seckendorff, et j'y ajoute la nouvelle de sa détention. Il est arrêté actuellement à Vienne. Ses ennemis l'accusent d'une infinité de malversations. Les principaux chefs d'accusation tombent sur les moyens illicites qu'il a mis en usage pour s'enrichir dans la dernière campagne. Ses amis débitent ici qu'il trouvera moyen de se purger de toutes ces imputations, et qu'il se lavera blanc comme neige. Pour moi, j'en doute, car il est connu que l'avarice fut de tout temps le vice auquel il a le plus fortement incliné. Ce qui est sûr, et sur quoi vous pouvez compter, c'est que son rôle est fini, et que jamais on n'entendra plus nommer le nom de Seckendorff. Le cardinal nepotea est parti de Berlin, et entre dans le service d'Ansbach.

Quelle vicissitude! quel changement rapide de la plus brillante fortune au malheur le plus inopiné! s'écrierait très-éloquemment un orateur à cet endroit-ci. En effet, il n'aurait pas tort, car comparez un moment la situation du comte Seckendorff en l'année vingt-huit et vingt-neuf avec la sienne d'à présent. C'était lui qui était l'arbitre de l'Allemagne, qui réglait tout, et de la manière du monde la plus impérieuse et la plus absolue; il faisait des traités, accommodait ou brouillait les puissances selon son bon plaisir, et voyait même des princes souverains s'abaisser jusqu'à lui faire la cour. Le printemps de cette année, il gouvernait à Vienne tout le conseil de l'Empereur; il amenait les événements comme il le jugeait à propos, et disposait souverainement de tout dans son armée. Six mois se passent, et cet homme, qu'une prospérité continuelle avait élevé jusqu'au sommet de la roue de la fortune, est précipité tout d'un coup de sa sphère, sans prévoir l'impétuosité du coup qui l'abat; il ne lui reste que la haine de l'armée qu'il a commandée, et l'on peut dire que le public n'a attendu que le moment de sa chute pour se déclarer son ennemi. Il est sûr que les intrigues des jésuites n'ont pas peu contribué à le perdre. Je crois que Lichtensteina n'y a pas peu contribué de


a Par cette dénomination usitée à la cour de Rome, le Roi désigne le baron de Seckendorff, neveu du comte de Seckendorff, et auteur du Journal secret, publié à Tubingue en 1811. Voyez cet ouvrage, p. 185.

a Les noms de Lichtenstein et du prince de Dessau sont en chiffre dans l'original.