<345>ment et le choix des honnêtes gens peut être préféré au vaste génie de ceux qui conçoivent les plus grands desseins; si, enfin, les bonnes intentions et la douceur sont préférables à l'activité de ces hommes remuants qui semblent être nés pour bouleverser tout le monde : alors, et à ces conditions, je puis entrer en compromis avec eux. Mais comme toutes ces qualités que je viens de citer, la bonté, la douceur, etc., ne sont capables que de former un bon citoyen, et non un grand homme, je n'ai pas le vain orgueil de prétendre à ce titre, et je vous assure que j'y préférerai constamment ceux de fidèle ami, d'homme compatissant aux misères des hommes, et enfin d'homme qui ne croit être homme que pour faire du bien aux autres hommes, en quelque situation qu'il se trouve.

J'ai lu avec contention d'esprit votre système mathématique et arithmétique; j'ai fait ce que j'ai pu pour y répondre; j'espère cependant de m'être bien expliqué, et de la façon que vous le souhaitez.

Keyserlingka qui connaît le comte Biron pour avoir étudié avec lui à Königsberg, m'en a toujours fait un portrait fort avantageux. Vous ne faites que me confirmer ce qu'il m'en a dit. Je suis bien aise qu'il soit de vos amis. Comme il est honnête homme, il mériterait de l'être, et cette qualité le rend plus respectable à mes yeux que s'il était roi des rois. Qu'est-ce en effet que ce vain titre? et quel changement produit-il dans l'homme? Je dis qu'il n'en produit jamais d'avantageux, et qu'on a vu plus d'une vertu obscurcie sous l'ombre du trône. Il est vrai que les rois sont les symboles mortels de la majesté de Dieu, mais voilà tout; car ôtez-leur la puissance, la grandeur, leur cour et leurs flatteurs, il se trouve que ce ne sont, la plupart, que de pauvres hommes sans vertu et peu dignes d'inspirer de l'admiration. Vous me ferez donc grand plaisir de dire au comte Biron que je le félicite de tout mon cœur sur son avénement au duché de Courlande, que je prenais toujours part à la fortune des gens de mérite, et que, quelque inconnu qu'il me soit, il me suffisait d'être instruit de ses belles qualités pour m'intéresser vivement à tout ce qui pourra lui être avantageux.


a Voyez t. X. p. 24; t. XI, p. 36, 102, 106 et 134; et t. XIV, p. 46 et 61.