<338>soi-même, car on n'a presque encore aucun ouvrage imprimé dans lequel on puisse trouver des relations assez détaillées et assez sûres sur tous ces sujets. Je hasarderai cependant d'avancer ici ce que je regarde jusqu'à présent pour avéré parmi tout ce qu'on dit de cet État et de ses habitants.

Il y a d'ici à Oczakow deux mille verstes, qui font environ quatre cents milles d'Allemagne; jusqu'à Astracan il y a près de sept cents milles. D'ici à Archangel il y en a cent cinquante, et jusqu'à la Chine on compte au delà de vingt-quatre mille verstes; il est vrai qu'il se trouve entre deux une partie de la Grande-Tartarie. Les frontières du côté du nord et du Japon ne sont point encore bien déterminées; depuis cinq ans, on a envoyé de ces côtés des professeurs pour faire des recherches à ce sujet, et l'on compte même qu'ils pénétreront jusqu'en Amérique, à laquelle il est probable que cet empire touche quelque part. On peut juger de là que, si l'immense État connu sous le nom de Russie européenne et asiatique était partout aussi peuplé que la France ou l'Allemagne, il mettrait sans peine l'Europe dans sa poche. Cependant, de la manière dont on y fait les recrues, on voit bien qu'il n'est pas aussi pauvre en habitants qu'on semble le croire ailleurs, puisque, actuellement, pour former un corps de soixante mille hommes, on ne lève que le quatre-vingt-dixième. Ce qui renforce beaucoup cette considération, c'est l'assurance que l'on a que la population de l'intérieur du pays n'est point encore assez bien connue, car il est avéré que, malgré la rigueur des ordres donnés à ce sujet, tel possesseur de terres qui se trouve inscrit pour n'avoir que cent sujets en a quatre cents et au delà.

Il en est de même des revenus, qu'on n'a pas encore bien pu fixer : et ceux qui les ont bornés à douze millions de roubles n'ont assurément eu d'autre raison pour le faire que de déterminer un nombre certain pour un incertain. Mais quand cela serait, cette somme ferait plus d'effet dans cet État que le décuple peut-être dans un autre, ce qui fait que, dans ce pays, on rend possibles des choses auxquelles il ne faut pas penser seulement ailleurs.

Je tiens cet État invincible sur la défensive; c'est une hydre dans ce cas; les années y naissent comme les hommes ailleurs, et ne coûtent pas plus de peine à mettre sur pied que Cadmus