<337>d'un courrier pour répondre à la dernière lettre qu'elle m'a fait la grâce de m'écrire. Je comptais alors me dédommager amplement de cette contrainte en lui parlant librement de tous les ennuis que me fait éprouver le cruel éloignement où je me vois condamné à vivre d'elle, et en lui peignant avec des couleurs aussi vives que vraies la langueur dans laquelle me plonge l'absence et la privation de tout ce qui peut me rendre heureux. Mais n'ayant pu faire faire un détour au courrier, que je suis obligé d'expédier fort brusquement aujourd'hui, je ne puis pourtant en profiter comme je le désirais. Car, encore que mon parfait dévouement et ma respectueuse tendresse pour V. A. R. fassent ma plus grande gloire et toute ma félicité, en sorte que je ne puis le cacher dans l'occasion, vous n'ignorez pas, monseigneur, de combien de prudence je dois user à l'égard des témoignages que j'ose vous donner de la vivacité de mes sentiments; et quoique l'éclat de vos belles et aimables qualités semble donner à chacun le droit de se dévouer à votre auguste et sacrée personne avec tous les sentiments du plus tendre et du plus respectueux attachement, et de vous le témoigner en toute liberté, il s'en faut bien que cette liberté ne soit accordée à ceux qui trouveraient le plus de satisfaction et de plaisir à en faire usage.

C'est une raison de même nature qui me fait renvoyer à une occasion plus sûre de répondre en détail aux points sur lesquels V. A. R. désire d'être instruite. Elle approuvera, j'en suis sûr, ma prudence à cet égard, dès qu'elle daignera un moment se mettre à ma place et entrer dans ma situation. J'y répondrai cependant assurément; je supplie seulement V. A. R. de me donner le temps de bien m'instruire moi-même de toutes ces choses, et surtout de me laisser choisir une occasion sûre de lui faire parvenir mes observations. Elle aura cette bonté, j'espère, puisque rien ne la presse encore. Plût à Dieu qu'elle eût déjà des raisons pour être plus pressée à cet égard!

En attendant, je joins ici quelques considérations générales dont votre pénétration, monseigneur, saura d'elle-même tirer les conséquences particulières. Ce n'est pas une petite affaire que de parler de cet empire, de ses habitants et de son état politique. Il faut, pour cela, y avoir séjourné longtemps et avoir observé par