<149>Il va d'abord trouver la belle,
Sans être escorté, sans chandelle,
Évitant le trouble et le bruit.
Dans le fond d'un sombre réduit
Inaccessible à la lumière
Se présente un superbe lit,
De leurs secrets dépositaire,
Et le seul témoin oculaire
Qu'eût eu leur amoureux déduit.
Le marquis croyait que sa belle,
Du sommeil goûtant les pavots,
A sa flamme toujours fidèle,
S'abandonnait au doux repos.
Il s'approche d'un pas timide;
A son désir lâchant la bride,
Et, du lit ouvrant les rideaux,
Se saisit d'abord de sa proie,
Et, transporté d'aise et de joie,
De ses sens suivant les désirs,
Croit goûter de parfaits plaisirs.
La servante écoute à la porte;
Elle entend le bruit du héros,
Qui se démenait de la sorte,
Que la fureur qui le transporte
Du lit excitait les échos.
Manon entre sans escorte,
La tremblante terreur l'escorte;
Sa main fait briller un flambeau,
Et veut de sa maîtresse morte
Éclairer le triste tombeau.
O ciel! quel spectacle nouveau!
Marquis, ta flamme trop ardente
Sur le reste de ton amante
Attache ton corps éperdu;
Collant ta bouche sur sa bouche,
Ton œil jette un regard farouche
Sur cet objet, qu'il a perdu.