<231>Dans les enfers vite il se replongea.
Bientôt ses pairs en un lieu rassembla;
Chaque démon son malheur déplora;
En enrageant on les entendait dire :
« D'éternité, la superstition,
Qui nous créa, nous a donné l'empire,
Dans l'univers, sur chaque nation.
Depuis un temps elle veut nous réduire
Dans ce séjour d'abomination;
Nous n'y voyons que des âmes maudites,
De qui les cris nous transpercent les os;
De ces douillets, de ces vrais Sybarites,
Nous sommes donc les puérils bourreaux.
L'on dit déjà qu'une secte incrédule
De ces cachots ose même douter,
Que les démons sont mis en ridicule,
Que tout à fait on prétend les rayer.
Ah! vengeons-nous, et montrons à la terre
Que si le ciel est armé du tonnerre,
Que si l'Olympe est tout peuplé de saints,
Dedans l'enfer se trouve plus d'un diable
Qui, se mêlant des arrêts des destins,
Peut-être en peu se rendra formidable. »
Ainsi parlaient tous ces esprits malins;
Mais Lucifer leur imposa silence.
Chacun se tut, et l'infernale engeance
Baisa l'ergot de messire Satan.
Il assembla d'abord son grand divan;
De vieux démons c'était la gent inique,
Rusés matois dans leur art diabolique,
Qui, de l'enfer sachant la politique,
Avaient au crime endurci leur tyran.
A l'entour d'eux, des monstres effroyables,
Au noir brasier toujours invulnérables,
Y paraissaient les fiers exécuteurs
De leurs complots, de leurs sombres fureurs.
On y voyait l'Avarice sordide,