<269>Le lendemain, grand Dieu! sur ces champs de batailles
Regardez ces mourants, ces tristes funérailles,
Et parmi ces ruisseaux du sang des ennemis,
Voyez couler le sang de vos meilleurs amis;
Voyez dans le tombeau ces guerriers magnanimes,
De votre ambition malheureuses victimes,
Leurs parents éplorés, leurs épouses en deuil,
Qui dans votre triomphe abhorrent votre orgueil.
Ah! plutôt que souiller vos mains de tant de crimes,
Plutôt que vous parer d'honneurs illégitimes,
Périssent à jamais les cruels monuments
Moins dus à vos exploits qu'à vos égarements!
Qui voudrait à ce prix gagner la renommée?
En père bienfaisant conduisez votre armée,
Dans vos moindres soldats croyez voir vos enfants,
Ils aiment leurs pasteurs, et non pas leurs tyrans;
Leurs jours sont à l'État, leur bonheur est le nôtre,
Avare de leur sang, sacrifiez le vôtre,
Tant que Mars le permet, il faut les ménager.
Quand le bien de l'État les appelle au danger,
Lorsqu'entre vos drapeaux et ceux de l'adversaire
Il faut savoir fixer le destin de la guerre,
Alors, sans balancer, sans chercher de détours,
Disposez, attaquez, et prodiguez leurs jours :
C'est là qu'ils feront voir leur ardeur valeureuse,
Et qu'ils sauront périr d'une mort généreuse.
Un sage général dont Bellone est l'appui
Combat quand il le faut, et jamais malgré lui;
Rempli de prévoyance et sûr de sa cohorte,
Il pare tous les coups que l'ennemi lui porte;
S'il pense en général, il s'expose en soldat,
Loin de le recevoir, il donne le combat :
Le sort des assaillants est toujours favorable.
L'effort du fier bélier, par son choc redoutable,
S'ouvre un libre passage, et renverse les tours
D'où l'assiégé tremblant croit défendre ses jours;
Le mur longtemps battu cède au poids qui l'enfonce.