<216>Enfin, vous ajoutez : « Que vos savants écrits
Mériteraient l'estime au lieu des vains mépris
D'un peuple plein d'erreur, d'un vulgaire imbécile,
Qui juge en vrai Midas, et prononce en Zoïle. »
J'en conviens, mon esprit, mais n'allez pas choquer
Des usages reçus, qu'on risque d'attaquer;
Je vous rends simplement, sans être satirique,
Tous les bruits que sur vous répand la voix publique.
On se moque surtout du peu de gravité
Dont vous assaisonnez l'auguste royauté;
Il est sur vos défauts plus d'un Caton qui veille,
Et j'entends très-souvent qu'on se dit à l'oreille :
« N'avons-nous pas, amis, un bien plaisant consul? »
Mais vous comptez toujours suivant votre calcul :
« Ces censeurs, dites-vous, sont aisés à confondre;
Et voilà de ma part ce qu'on peut leur répondre :
Ivre de mes plaisirs, ai-je comme un ingrat
Négligé mes devoirs, sacrifié l'État?
M'a-t-on vu du public tromper les espérances,
Traîner de longs procès, embrouiller les finances,
Oublier les traités, pour penser aux beaux-arts?
M'a-t-on vu des derniers paraître au champa de Mars?
Mais si sur tous ces points j'ai fait briller mon zèle,
Si l'on m'a vu toujours, à mes devoirs fidèle,
Du peuple et du soldat prévenir les désirs,
Par quelle cruauté fronde-t-on mes plaisirs?
Je vois couler mes jours au sein de l'innocence;
Enchanté des attraits dont brille l'éloquence,
J'ai su monter ma lyre à différents accords,
Chez Horace et Maron je puise mes trésors;
Je ne me flatte point de pouvoir les atteindre,
Mais, un peu plus bas qu'eux, je n'ai point à me plaindre.
Eh quoi! dans ma grandeur et dans ma royauté,
Je ne jouirai point du peu de liberté
Qu'un berger, conduisant son troupeau pacifique,
A de chanter le soir une chanson rustique,


a Aux champs. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 338.)