<215>Vous prêchez la vertu par d'ennuyeux sermons?
Du langage français ignorant les finesses,
Vous mettez Vaugelas et d'Olivet en pièces;b
Ah! si Boileau vivait, peut-être, un beau matin,
Votre nom dans ses vers remplacerait Cotin.
Que la rougeur au moinsc vous en monte au visage,
Ayez honte du temps qu'absorbe un tel ouvrage,
Et sans vous dessécher le cerveau vainement,
Quittez du bel esprit le fol amusement.
Mais vous me répondez : « Qu'amant de l'harmonie,
Transporté, malgré vous, par le dieu du génie,
Vous pouvez librement suivre votre plaisir,
Quand le Roi fatigué vous donne du loisir;
Que si, pour s'amuser, on voit plus d'un grand prince
Prendre dans ses filets les daims de sa province,
Vous charmez vos ennuis par des écrits divers,
Inondant le papier d'un déluge de vers. »
Comment! lorsque d'un cerf précipitant la fuite,
Des princes et des chiens courent à sa poursuite,
Et qu'ils font la curée au milieu des marais,
Au lieu d'être affecté par les mêmes attraits,
Vous poursuivez chez vous une bizarre rime,
Un mot que votre sens exige, et qui l'exprime?
Ah! quel étrange esprit le ciel m'a-t-il donné,
Si contraire à nos mœurs, si mal morigéné,
Qui, par bizarrerie à sa grandeur rebelle,
Prétend s'ouvrir tout seul une route nouvelle!
Oui, vous me soutenez : « Que s'il fallait toujours
Vous occuper de riens, grand ouvrage des cours,
Vous quitteriez plutôt grandeur, sceptre, patrie,
Et des rois empesés la lourde confrérie; »


b

Il est vrai que l'on sue à souffrir ses discours,
Elle y met Vaugelas en pièces tous les jours.

Molière,

Les Femmes savantes

, acte II, scène VII.
     Au sujet de Vaugelas, voyez t. IX, p. 79.
L'abbé Joseph Thoulier d'Olivet, né en 1682, mourut en 1768.
Vaugelas et d'Olivet sont deux des plus célèbres grammairiens français.

c Du moins. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 335.)