<166>Que l'amour des vertus redouble encor sa flamme;
Oui, j'en présume mieux du triste genre humain.
Julien, peu connu, fut le dernier Romain.
Que de monstres affreux profanèrent ce trône,
Et firent éclipser l'éclat de leur couronne!
Mais faut-il être roi pour être bienfaisant?
N'est-il plus de vertus quand on est moins puissant?
L'occasion peut rendre un pauvre serviable,
Dans l'état médiocre on sera secourable,
Si l'on est riche, au pauvre on doit son superflu,
Un grand doit protéger l'indigente vertu.
Dans la prospérité l'âme entière s'étale,
On la voit ce qu'elle est, avare ou libérale;
Nos états sont divers, nos devoirs sont communs.
Ainsi la tendre fleur nous donne ses parfums,
La campagne ses blés, les arbres leurs ombrages,
Les rochers leurs métaux, les prés leurs pâturages,
L'Océan ses poissons, et les vents leur fraîcheur.
Ainsi l'astre du nord guide le voyageur.
Ainsi, lorsque la nuit répand ses voiles sombres,
La sœur du dieu du jour vient éclairer les ombres.
Ainsi le grand flambeau, moteur de l'univers,
De ses rayons brillants remplit le champ des airs;
Par lui-même fécond, son influence pure
Ranime et rend la vie à toute la nature.a

Potsdam, 22 août 1749.


a Voltaire fait l'éloge de cette Épître dans sa lettre au Roi, du 19 avril 1749.