<165>Qui maintient la santé, qui prolonge la vie.
Supposons que la bouche, aimant mieux discourir,
Refusât à son corps le soin de le nourrir :
L'animal épuisé, dans sa langueur mourante,
Serait mis au tombeau par la faim dévorante.
Membres séditieux, injustes plébéiens,
Servez votre sénat, et soyez citoyens. »
Quel que soit le haut rang qu'on tienne en sa patrie,
De la totalité l'on fait toujours partie;
Si par vous les humains ne sont pas secourus,
L'État ne voit en vous que des membres perclus.
Modérons nos transports, évitons la satire,
C'est peu de condamner, le grand art est d'instruire;
Enseignons en amis, sans prêcher en censeurs,
Comment l'homme sensé doit user des grandeurs,
Comment, fuyant l'orgueil, la haine, la vengeance,
Sa bonté doit surtout annoncer sa puissance.
« Il n'est rien de plus grand dans ton sort glorieux
Que ce vaste pouvoir de faire des heureux,
Ni rien de plus divin dans ton beau caractère
Que cette volonté toujours prête à le faire, »
Osait dire à César ce consul orateur
Qui de Ligarius se rendit protecteur;a
Et c'est à tous les rois qu'il paraît encor dire :
« Pour faire des heureux vous occupez l'empire :
Astres de l'univers, votre éclat est pour vous,
Mais de vos doux rayons l'influence est pour nous. »
Les grands, ces fils chéris de l'aveugle fortune,
Sont couverts de mépris, si leur âme est commune.
Néron, quoique César, fut haï des Romains,
Rome pour leurs vertus chérit les Antonins;
Bienfaisants Antonins, mes héros, mes exemples,
Il faut vous invoquer, vous méritez des temples :
Si de faibles humains peuvent atteindre aux dieux,
Vous êtes immortels, adorables comme eux.
Je sens à votre nom dans le fond de mon âme


a Voyez t. VIII, p. 152 et 300.