<130>C'était pour vous aimer, et non pour vous détruire;
Épargnez ce beau sang; que mes rivaux jaloux,
Vaincus par vos exploits, périssent sous vos coups.
Oui, signalez contre eux le vertueux courage
Qui, tourné contre vous, n'est qu'une aveugle rage.
Vos duels à mes yeux vous font des meurtriers,
Des mains de la victoire attendez vos lauriers.
Le courage rend-il les humains sanguinaires?
Quel pouvoir avez-vous sur les jours de vos frères?
Quittez de vos fureurs l'affreuse illusion. »
J'applaudis de bon cœur à notre nation,
Lorsque de ses succès présents à ma mémoire
Je me rappelle ici la grandeur et la gloire.
Mânes que je révère, invincibles héros
Dont la haute valeur terrassa nos rivaux,
Souffrez que j'ose orner mes poëmes funèbres
Des noms que vos vertus ont rendus si célèbres.
Si ma lyre eut jamais des sons harmonieux,
Qu'elle m'aide à chanter vos exploits glorieux,
Tant d'ennemis vaincus, tant de traits de clémence.
Les pleurs de la patrie et ma reconnaissance.
Ces faits, que publiera l'auguste vérité,
Seront l'exemple un jour de la postérité;
Elle apprendra de vous comment s'élève l'âme
Lorsque l'amour du bien et la gloire l'enflamme.
Que l'immortalité me prête son burin,
Je vais graver vos noms sur le durable airain.
J'attesterai comment votre ardeur généreuse
Confondit des Césars l'aigle présomptueuse,
Dans combien de combats, sous vos efforts soumis,
J'ai vu plier l'orgueil de nos fiers ennemis.
Illustres fils d'Albert, l'ennemi, de son foudre,
Tous les deux, juste ciel! vous a réduits en poudre;a
Mais si vous périssez, c'est sur le champ d'honneur,
Trop dignesb rejetons de ce grand électeur


a Voyez t. II, p. 85, et t. III, p. 63.

b Très-dignes. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 203.)