<57> de comparaître après leur mort, et où les réputations sont fixées pour jamais. L'histoire remplace cet usage établi chez les Égyptiens, par lequel les citoyens étaient assujettis après la vie au jugement d'un conseil qui prononçait sur leurs œuvres, et défendait d'inhumer ceux dont les actions étaient trouvées criminelles. La postérité est impartiale; elle est exempte d'envie et de flatterie; elle ne se. laisse aveugler ni par des panégyriques ni par des satires; elle démêle l'or pur du faux aloi; le temps, qui révèle jusqu'aux choses secrètes, lui dévoile les actions des hommes et leurs motifs; il fait paraître, non un ministre encensé par des courtisans, non vin roi entouré d'adulateurs, mais l'homme dépouillé de toute décoration et de ce vain déguisement qui le travestissait. Ceux qui savent qu'ils ne sauraient éviter ce jugement doivent se préparer à y paraître sans tache. La réputation est tout ce qui nous reste après notre mort; ce n'est point un effet de l'orgueil que d'y être sensible; on doit même l'avoir très-fort à cœur, pour peu que l'on soit né avec de la noblesse et de l'élévation. L'amour de la vraie gloire est le principe des actions héroïques et de tout ce qui s'est fait d'utile dans le monde. Pourquoi un homme se fait-il tuer pour le service de la patrie, si ce n'est pour mériter l'approbation de ceux qui lui survivent? Pourquoi les auteurs et les artistes travaillent-ils, si ce n'est pour recueillir des applaudissements, pour se faire un nom, pour aller à l'immortalité? Cela est si vrai, que Cicéron, qui était rempli de la même ardeur, remarquea que non seulement les plus beaux génies de l'antiquité, mais les philosophes même des sectes austères mettaient leur nom à la tête d'ouvrages qui traitaient de la vanité des choses humaines. Ce désir de s'immortaliser est le mobile de nos travaux et de toutes nos belles actions. La vertu, il est vrai, a des attraits capables de la faire aimer pour elle-même des belles âmes; cela ne doit pas cependant nous


a Pro Archia poeta, chap. XI.