<54> marques que la passion de l'auteur se déclare, et qu'il peint, sans s'en apercevoir, les traits de la haine et de l'animosité qui lui rongent le cœur.

Ce n'était pas sur ses amours qu'il fallait blâmer Louis XIV; s'il était répréhensible, ce fut pour avoir fait exercer des cruautés inouïes dans le Palatinat, et pour avoir autorisé Mélac à faire une guerre d'incendiaire et de barbare. On ne saurait non plus le justifier sur la révocation de l'édit de Nantes; il veut forcer les consciences, il en vient à des rigueurs excessives, et il prive son royaume d'un nombre de mains industrieuses qui transportent dans les lieux de leur asile leurs talents et la haine de leurs persécuteurs. Si j'en excepte ces deux taches qui obscurcissent la beauté d'un long règne, quels reproches peut-on faire à ce roi qui méritent des satires aussi amères que celles qu'on a écrites contre lui? Est-ce à des hommes abîmés de misères, qui n'ont pour talents qu'une malheureuse facilité d'écrire, à s'attaquer au trône de leurs souverains? Leur convient-il d'envenimer la conduite des grands, de s'acharner sur leurs faiblesses, de se faire une étude de leur trouver des défauts? Est-ce à des inconnus éloignés de toute affaire, qui voient le gros des événements sans savoir ce qui les amène, qui connaissent les actions sans en connaître les motifs, qui font le cours de leur politique dans les gazettes, à juger de ceux qui gouvernent le monde? Et leur ignorance même peut-elle servir d'excuse à leur témérité? Mais la malice les dévore, une fausse ambition les excite, ils veulent se faire un nom, et pour être connus ils imitent Érostrate.

Il y a eu un temps, il faut l'avouer, où la satire était à la mode; mais ce bon temps n'est plus. Il fallait naître sous le règne de Charles-Quint et de François Ier; alors les souverains étaient tributaires de l'Arétin; son silence était acheté, les bons mots qu'il supprimait étaient payés, et pour peu qu'un prince crût avoir fait une sottise, il lui en-