<31> en abolissant les flétrissures attachées aux suites d'un amour imprudent et volage?

Mais rien de plus cruel que la question. Les Romains la donnaient à leurs esclaves, qu'ils regardaient comme une espèce de bétail domestique; jamais aucun citoyen ne la recevait.

La question se donne en Allemagne aux malfaiteurs, après qu'ils sont convaincus, afin d'arracher de leur propre bouche l'aveu de leurs crimes; elle se donne en France pour avérer le fait ou pour découvrir les complices. Autrefois les Anglais avaient l'ordéal, ou l'épreuve par le feu8 et par l'eau;9 ils ont à présent une espèce de question moins dure que l'ordinaire, mais qui revient à peu près à la même chose.

Qu'on me le pardonne, si je me récrie contre la question : j'ose prendre le parti de l'humanité contre un usage honteux à des chrétiens et à des peuples policés, et, j'ose ajouter, contre un usage aussi cruel qu'inutile.

Quintilien, le plus sage et le plus éloquent des rhéteurs, dit, en traitant de la question, que c'est une affaire de tempérament. Un scélérat vigoureux nie le fait; un innocent d'une complexion faible l'avoue. Un homme est accusé, il y a des indices, le juge est dans l'incertitude, il veut s'éclaircir, ce malheureux est mis à la question. S'il est innocent, quelle barbarie de lui faire souffrir le martyre! Si la force des tourments l'oblige à déposer contre lui-même, quelle inhumanité épouvantable que d'exposer aux plus violentes douleurs et de condamner à la mort un citoyen vertueux contre lequel il n'y a que des soupçons! Il vaudrait mieux pardonner à vingt coupables que de


8 L'ordéal par le feu : on mettait entre les mains de l'accusé un morceau de fer ardent; s'il était assez heureux pour ne se point brûler, il était absous, sinon, on le punissait comme coupable.

9 L'ordéal par l'eau : on liait le coupable et on le jetait dans l'eau; s'il surnageait, il était absous.