<226> rassemblèrent le peuple en corps, quelque bonnes que fussent leurs institutions, il ne s'est trouvé aucun de ces gouvernements qui se soit soutenu dans toute son intégrité. Pourquoi? Parce que les hommes sont imparfaits, et que leurs ouvrages le sont par conséquent; parce que les citoyens, poussés par des passions, se laissent aveugler par l'intérêt particulier, qui toujours bouleverse l'intérêt général; enfin, parce que rien n'est stable dans ce monde. Dans les aristocraties, l'abus que les premiers membres de l'État font de leur autorité est, pour l'ordinaire, cause des révolutions qui s'ensuivent. La démocratie des Romains fut bouleversée par le peuple même; la masse aveuglée de ces plébéiens se laissa corrompre par des citoyens ambitieux qui ensuite les asservirent et les privèrent de leur liberté. C'est le sort auquel l'Angleterre doit s'attendre, si la chambre basse ne préfère pas les véritables intérêts de la nation à cette corruption infâme qui l'avilit. Quant au gouvernement monarchique, on en a vu bien des espèces différentes. L'ancien gouvernement féodal, qui était presque général en Europe il y a quelques siècles, s'était établi par les conquêtes des barbares. Le général qui menait une horde se rendait souverain du pays conquis, et il partageait les provinces entre ses principaux officiers; ceux-là à la vérité étaient soumis au suzerain, et lui fournissaient des troupes, s'il les demandait; mais comme quelques-uns de ces vassaux devinrent aussi puissants que leur chef, cela formait des États dans l'État. C'était une pépinière de guerres civiles dont résultait le malheur de la société générale. En Allemagne ces vassaux sont devenus indépendants; ils ont été opprimés en France, en Angleterre et en Espagne. Le seul modèle qui nous reste de cet abominable gouvernement subsiste encore dans la république de Pologne. En Turquie, le souverain est despotique, il peut commettre impunément les cruautés les plus révoltantes; mais aussi lui arrive-t-il souvent, par une vicissitude commune chez les nations barbares ou par une juste rétribution, qu'il est étranglé à son tour. Pour le gou-