<182> impossible de se refuser à cette vérité; les objections même tirées du mal physique et du mal moral ne sauraient la renverser : l'éternité du monde détruit cette difficulté. La nature est donc sans contredit intelligente, agissant toujours conformément aux lois éternelles de la pesanteur, du mouvement, de la gravitation, etc., qu'elle ne saurait ni détruire ni changer. Quoique notre raison nous prouve cet être, que nous l'entrevoyions, que nous devinions quelques-unes de ses opérations, jamais nous ne pourrons assez le connaître pour le définir, et tout philosophe qui attaque le fantôme créé par les théologiens combat en effet contre la nue d'Ixion, sans effleurer en aucune façon cet être auquel tout l'univers sert de preuve et de témoignage. On sera sans doute bien étonné qu'un philosophe aussi éclairé que notre auteur s'avise d'accréditer les erreurs anciennes des générations sans germe et par corruption; il cite Needham,a ce médecin anglais qui, trompé par une fausse expérience, crut avoir fait des anguilles. Si de tels faits étaient véritables, ils pourraient convenir aux opérations d'une nature aveugle; mais ils sont démentis par toutes les expériences. Croirait-on bien encore que le même auteur admet un déluge universel? absurdité, miracle inadmissible pour un géomètre, et qui ne peut en aucune façon s'ajuster à son système. Ces eaux qui submergèrent notre globe furent-elles créées exprès? Quelle masse énorme pour s'élever au-dessus des plus hautes montagnes! Furent-elles depuis anéanties? Que devinrent-elles? Quoi! il ferme les yeux pour ne pas voir un être intelligent, présidant à cet univers, que toute la nature lui annonce, et il croit au miracle le plus opposé à la raison qu'on ait jamais imaginé! J'avoue que je ne conçois point comment tant de contradictions ont pu se concilier dans une tête philosophique, et comment en composant son ouvrage l'auteur ne s'en est pas aperçu lui-même. Mais allons plus loin.


a Jean Turbervill Needham, physicien célèbre par ses observations microscopiques, né à Londres en 1713, mort à Bruxelles le 30 décembre 1781.