<181> dans l'infiniment petit comme dans l'infiniment grand. Les fins que la nature s'est proposées dans ses ouvrages se manifestent si évidemment, qu'on est forcé de reconnaître une cause souveraine et supérieurement intelligente qui y préside nécessairement. En examinant l'homme, je le vois naître le plus débile de tous les animaux, privé d'armes offensives et défensives, incapable de résister aux rigueurs des saisons, exposé sans cesse à être dévoré par les bêtes féroces. Pour compenser la faiblesse de son corps, et afin que l'espèce ne pérît point, la nature l'a doué d'une intelligence supérieure à celle des autres créatures, avantage par lequel il se procure artificiellement ce que, d'ailleurs, la nature paraît lui avoir refusé. Le plus vil des animaux resserre en son corps un laboratoire plus artistement fabriqué que celui du plus habile chimiste; il prépare les sucs qui renouvellent son être, qui s'assimilent aux parties qui le composent, et qui prolongent son existence. Comment cette organisation merveilleuse et nécessaire à tous les êtres animés pour leur conservation pourrait-elle émaner d'une cause brute, qui opérerait ses plus grandes merveilles sans même s'en apercevoir? Il n'en faut pas tant pour confondre notre philosophe et ruiner son système; l'œil d'un ciron, un brin d'herbe, sont suffisants pour lui prouver l'intelligence de l'ouvrier. Je vais plus loin; je crois même qu'en admettant comme lui une première cause aveugle, on pourrait lui démontrer que la génération des espèces deviendrait incertaine, et dégénérerait au hasard en êtres divers et bizarres. Il n'y a donc que les lois immuables d'une nature intelligente qui, dans cette multitude de productions, puissent maintenir invariablement les espèces dans leur entière intégrité. L'auteur tâche en vain de se faire illusion; la vérité, plus forte que lui, le contraint de dire14 que la nature rassemble dans son laboratoire immense des matériaux pour former de nouvelles productions; elle se propose donc une fin; donc elle est intelligente. Pour peu qu'on soit de bonne foi, il est


14 Première partie, chap. VI.