<138>rience pour se conduire dans les ténèbres de la métaphysique; il est prudent, il est intelligible, ce qui est un grand mérite pour un métaphysicien, et je crois à toute force qu'il pourrait bien avoir raison. A ces paroles, le rouge monta au visage de mon professeur; une colère très-peu philosophique se manifesta dans son regard et par ses gestes, et il me soutint d'une voix plus animée qu'à l'ordinaire qu'ainsi que chaque pays avait son climat différent, chaque État devait avoir son philosophe national. Je repartis que la vérité était de tout pays, et qu'il serait à souhaiter qu'il nous en vînt beaucoup, dût-elle passer pour contrebande aux universités. Au reste, la partie de la géométrie n'est pas aussi cultivée en Allemagne que dans les autres pays de l'Europe. On prétend que les Germains n'ont point de têtes géométriques, ce qui certainement est faux : les noms de Leibniz et de Copernic prouvent le contraire. La cause en est, ce me semble, que cette science manque d'encouragement et surtout de professeurs assez habiles pour l'enseigner.

Je reviens à présent à la jeune noblesse, que nous avons quittée au sortir des académies et des universités. C'est le moment où les parents décident du parti que leurs enfants doivent prendre; pour l'ordinaire, le hasard détermine ce choix. La plupart de ces jeunes seigneurs craignent l'état militaire, parce qu'il est dans ce pays une véritable école de mœurs; on ne passe rien aux jeunes officiers, on les oblige d'avoir une conduite sage, réglée et décente; ils sont éclairés de près, ils ont des surveillants qui ne les épargnent pas; s'ils sont incorrigibles, à quelque appui qu'ils tiennent d'ailleurs, on les oblige à quitter, et dès lors il n'y a plus pour eux de considération à attendre. C'est précisément ce qui leur répugne, car ils voudraient, à l'ombre d'un grand nom, se livrer sans contrainte aux caprices de leur fantaisie et au déréglement de leurs mœurs; d'où il vient que peu d'enfants des premières maisons servent dans les armées. Le corps des cadets y supplée; cette pépinière est confiée aux soins d'un officier d'un