<122> jour; le temps découvre tôt ou tard la vérité. Je posséderais des biens mal acquis, en tremblant, et je passerais ma vie dans la cruelle attente du moment qui me déshonorerait à jamais devant le public en découvrant ma turpitude.

DEMANDE. Cependant la morale du grand monde est bien relâchée, et si l'on voulait examiner de quel droit chacun possède ses biens, que d'injustices, que de fraudes, que de mauvaise foi l'on découvrirait! Ces exemples ne vous encourageraient-ils pas à les imiter?

RÉPONSE. Ces exemples me feraient gémir sur la perversité des hommes. Et comme ni bossu ni aveugle ne me donne envie de l'être à leur exemple, je crois de même qu'il est indigne d'une âme vertueuse de se dégrader au point de se modeler sur le vice.

DEMANDE. H y a cependant des crimes cachés.

RÉPONSE. J'en conviens; mais les criminels ne sont pas heureux, ils sont tourmentés, comme je vous l'ai dit, par la crainte d'être découverts, et par les plus violents remords. Ils sentent qu'ils jouent un rôle imposteur, qu'ils couvrent leur scélératesse du masque de la vertu; leur cœur rejette la fausse estime dont ils jouissent, et ils se condamnent eux-mêmes en secret au dernier mépris, qu'ils méritent.

DEMANDE. C'est à savoir, si vous étiez dans ce cas, si vous feriez ces réflexions.

RÉPONSE. Pourrais-je étouffer la voix de la conscience et celle des remords vengeurs? Cette conscience est comme un miroir; quand nos passions sont calmes, elle nous représente toutes nos difformités; je m'y suis vu innocent, et je m'y verrais coupable. Hélas! je deviendrais à mes propres yeux un objet d'horreur. Non, je ne m'exposerai jamais de ma propre volonté à cette humiliation, à cette douleur, à ce tourment.

DEMANDE. Il y a cependant des concussions et des rapines que la guerre semble autoriser.

RÉPONSE. La guerre est un métier de gens d'honneur quand des