<98> conséquemment signifie, selon ce politique, exécuter tout d'un coup et à la fois toutes les violences et tous les crimes que l'on juge utiles à ses intérêts.

Faites assassiner ceux qui vous sont suspects et dont vous vous méfiez, et ceux qui se déclarent vos ennemis, mais ne faites point traîner votre vengeance. Machiavel approuve des actions semblables aux Vêpres siciliennes, à l'affreux massacre de la Saint-Barthélemy, où des cruautés se commirent qui font frémir l'humanité. Ce monstre ne compte pour rien l'horreur de ces crimes, pourvu qu'on les commette d'une manière qui en impose aux peuples, qui effraye au moment où ils sont récents; et il en donne pour raison que les idées s'en évanouissent plus facilement dans le public que celles des cruautés successives et continues des princes : comme s'il n'était pas également mauvais de faire périr mille personnes en un jour, ou de les faire assassiner par intervalles.

Ce n'est pas tout que de confondre l'affreuse morale de Machiavel; il faut encore le convaincre de fausseté et de mauvaise foi.

Il est premièrement faux, comme le rapporte Machiavel, qu'Agathocles ait joui en paix du fruit de ses crimes : il a été presque toujours en guerre contre les Carthaginois; il fut même obligé d'abandonner son armée en Afrique, qui massacra ses enfants après son départ; et il mourut lui-même d'un breuvage empoisonné que son petit-fils lui fit prendre. Oliverotto de Fermo périt par la perfidie de Borgia, digne salaire de ses crimes; et comme ce fut une année après son usurpation, sa chute paraît si accélérée, qu'elle semble avoir prévenu par sa punition ce que lui préparait la haine publique.

L'exemple d'Oliverotto de Fermo ne devait donc point être cité par l'auteur, puisqu'il ne prouve rien. Machiavel voudrait que le crime fût heureux, et il se flatte par là d'avoir quelque bonne raison de l'accréditer, ou du moins un argument passable à produire.

Mais supposons que le crime puisse se commettre avec sécurité,