<74> temps son bienfaiteur, que ce souverain même ne peut appréhender pour la diminution de sa puissance. Les Hollandais ne se seraient jamais révoltés contre les Espagnols, si la tyrannie des Espagnols n'était parvenue à un excès si énorme, que les Hollandais ne pouvaient plus devenir plus malheureux qu'ils étaient.

Le royaume de Naples et celui de Sicile sont passés plus d'une fois des mains des Espagnols à celles de l'Empereur, et de l'Empereur aux Espagnols; la conquête en a toujours été très-facile, puisque l'une et l'autre domination était très-rigoureuse, et que ces peuples espéraient toujours de trouver des libérateurs dans leurs nouveaux maîtres.

Quelle différence de ces Napolitains aux Lorrains! Lorsqu'ils ont été obligés de changer de domination, toute la Lorraine était en pleurs; ils regrettaient de perdre les rejetons de ces ducs qui, depuis tant de siècles, furent en possession de ce florissant pays, et parmi lesquels on en compte de si estimables par leur bonté, qu'ils mériteraient d'être l'exemple des rois. La mémoire du duc Léopolda était encore si chère aux Lorrains, que, quand sa veuve fut obligée de quitter Lunéville, tout le peuple se jeta à genoux au-devant du carrosse, et on arrêta les chevaux à plusieurs reprises; on n'entendait que des cris, et on ne voyait que des larmes.


a Léopold-Joseph-Charles, duc de Lorraine, né en 1679, rentra, à la paix de Ryswyk (t. I, p. 121), en possession des États de son père Charles V. 11 était marié depuis 1698 avec Élisabeth-Charlotte d'Orléans, décédée en 1744. Il mourut le 7 mars 1729. Son fils et successeur François-Étienne, qui fut, depuis, empereur d'Allemagne sous le nom de François Ier, échangea la Lorraine contre le grand-duché de Toscane. Voyez t. II, p. 13.